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Rouleaux (v.10 - finale)

.... rouleaux roulés déposés livrés la nuit (cette tâche effectuée par des équipes aguerries de quelques hommes dont c'était la prérogative unique eux recrutés expressément pour ça – mais on ne savait pas par qui on ne savait pas comment jamais une seule annonce un seul concours jamais une rumeur faisant savoir oui mais à qui qu'on recherchait qui donc était ce on des hommes pour les jeter au ventre de chaque nuit en faire des ombres des sortes d'ombres d'hommes sans visage et sans nom et ce mystère autour de leur entrée dans ces équipes même s'il y avait on le voyait entre eux tous lorsque rarement on les croisait quelque chose d'une ressemblance exactement comme s'ils avaient tous été frères et pères et oncles exactement comme s'ils s'étaient cooptés comme s'ils avaient été agrégat de figures cela cette troublante identité de traits laissant à construire imaginer derrière eux tous quelques villages d'où ils seraient issus ensemble quelques familles leurs femmes leurs filles les attendant ailleurs dans une autre partie du monde dans quelque continent de nous totalement oui inconnu totalement rêvé et eux de là tirés arrivés on ne saurait pas comment débarqué là et de nos villes et de nos vies ne connaissant que le revers la face sombre dont ils prenaient grand soin puisque nous avions cessé de le faire -  et qui restaient ensuite une fois entrés dans les brigades en vase clos dans le monde parallèle des nocturnes partageant tout ce qui faisait leurs heures et ne partageant rien avec le reste des humains nous qu'ils ne croisaient d'ailleurs plus du tout ou presque les seules rencontres toujours fortuites se produisant par des hasards malencontreux que tous de part et d'autre essayaient d'éviter parce que c'était toujours un instant délicat que ces longues minutes où surpris chacun demeurait paralysé à regarder l'autre à tenter de faire comme si rien de particulier ne se passait alors que la sidération même qui empêchait un temps tout mouvement montrait bien qu'il se passait quelque chose et d'inhabituel - au point qu'il avait été finalement mis en place tout un dispositif destiné à empêcher les interactions les croisements entre eux et nous signaux lumineux affichages mobiles indiquant qu'il était temporairement conseillé d'éviter la zone avertisseurs sonores dont les couinements battaient la mesure dans les lieux où ils intervenaient et qui empêchaient les riverains de dormir mais sans leur donner toutefois l'envie de regarder par leurs fenêtres du moins on l'espérait pour la tranquillité de tous - mais toutes ces précautions n'empêchant rien personne ne pouvant interdire qu'un groupe de fêtards parfois ne vienne se perdre à force d'alcool et de vapeurs au milieu des chantiers ; ou qu'un quelconque insomniaque errant de par les rues tournant retournant dans la nuit comme dans sa cage ne termine éperdu face à face avec eux ces hommes-là ceux dont l'on évitait d'évoquer l'existence tant ils nous semblaient autres) puis déroulés soigneusement sur le sol retourné permettant en quelques heures et peu d'efforts de cacher d'effacer les traces de nos retournements de ce que nous avions fait subir à la terre dessous les rues dessous nos pas dessous nos vies et donc lissant tout ça (ça tellement étonnant cette transformation cette mutation des paysages des lieux des points de vues induite soudain par le déroulement de ces sortes d'artifice de rideaux verts posés sur une misère de terre parfois tout un quartier changeant en l'espace d'une nuit ceci produisant même mais rarement des sortes de folies des démences particulières pour lesquelles rien ni remède ni vaccin n'avait été trouvé les riverains se réveillant quasi ailleurs certains n'en revenant mais pas déambulant mètre après mètre et finissant par s'asseoir et pleurer – toujours cela ce symptôme-là qui aidait bien au repérage simplifiait la tâche des médecins qui appelés se dépêchaient d'emmener la personne comme s'il y avait eu quelque part des instructions plus ou moins officielles intimant l'ordre de faire tout ce qui était possible pour que les choses demeurent lisses et parfaites et policées) dissimulant d'étranges forfaits dont il fallait que nul ne soupçonne qu'ils étaient advenus - d'aucuns disaient que ces rustines d'herbe étaient récoltées telles que dans les prairies encore vierges autour de la ville à l'aide d'immenses machines qui dans un même mouvement faisaient découpes et enroulements et crachaient à leur bout ces pelotes toutes faites et avançaient ainsi et tout le long du jour laissant derrière d'immenses zones à nu raclées littéralement rabotées sur lesquelles s'abattaient des nuées noires d'étourneaux de corbeaux en quête folle des blanches nourritures grasses que ce chambardement jetait au ciel mais qui pour de cela témoigner puisque personne jamais ne franchissait les limites n'allait au-delà des dernières bâtisses des dernières maisons (on disait bien que certains allaient là-bas se jouant des patrouilles de police chargées de quadriller les zones de contact entre le construit le sauvage entre nos sortes de mégalopoles et les campagnes mais ce n'était que des rumeurs de ces choses qui se disaient le soir autour des verres à la durée de nos repas même si tout de même parfois c'était vraiment à se demander si ce n'était tout de même pas vrai finalement ce que chuchotait soudain celui-là assis en face que nous ne connaissions pas avant d'avoir franchi la porte de notre hôte celui qui n'avait été présenté que par son prénom qui avait fort peu parlé jusque-là se contentant de hocher de la tête au mieux de se taire le plus souvent avec dans les yeux pourtant cette lueur qui montrait que loin de s'ennuyer il suivait toutes les conversations avec attention à défaut d'intérêt et qui alors que la discussion s'engageait donc autour de ces fameuses zones extérieures et de l'existence réelle ou inventée d'individus isolés de groupuscules qui se faisaient fort d'ignorer toutes les interdictions toutes les habitudes toutes les normalités se penchait en avant levait une main et annonçait avec un calme sans faille j'ai fait cela provoquant là à chaque fois les mêmes choses mêmes réactions dépliant sur tous les présents comme un silence drap de silence personne n'osant poser la moindre question devant cette sorte de folie de revendication comment inattendue et puis alors tous les regards sur lui posés et cette attente mais que quelqu'un parle enfin que quelqu'un commence à sourire se mette à rire on entendait des remuements des pieds nerveux dessous la table et lui celui qui avait dit qu'il avait été jusque-là le plus souvent prenait son verre et poursuivait son lent repas tout repartant mais tout sonnant là vraiment faux - comment  continuer si c'était vrai ce qu'on disait ce qu'on pensait ce qu'on rêvait) ?