Salon d'attente (1)

Me disant cela ferait suffisamment de papier pour ce que j'avais à dire là à dire encore ce carré juste plié en deux j'avais si froid que mes mains avaient grand mal à tenir le stylo mais depuis combien de temps de jours de mois n'avais-je plus utilisé ces ustensiles-là papier stylo mon écriture même avait changé autour de moi des chalands s'affolaient des trains sans doute trop tard annoncés trop tard entendus trop tard pris combien de vies ici tout autour prêtes à basculer vers d'autres choses d'autres jours d'autres respirations combien de vies juste au bord du précipice et puis la mienne là ni plus ni moins une vie de rien en plus je surveillais ma montre ne pas rater mon train il est passé un chien même pas errant juste en promenade comme en maraude j'ai repensé aux vergers de l'enfance que nous vidions de leurs fruits mûrs nous étions maraudeurs alors mais dans les rires les jours encore intacts tout était à venir et là et maintenant quoi donc encore quelques jours peut-être la serveuse est sortie de derrière son comptoir a fait du bruit en bougeant chaque table chaque chaise et faisant plus de bruit même qu'un train passant dedans mon dos sans ralentir qu'en était-il de ces trains-là qui ne s'arrêtaient pas j'ai failli partir là-dedans mais j'en avais déjà trop dit beaucoup trop dit personne ne me voyait dans la foule anonyme c'était décidément ma meilleure protection je me suis fondu doucement dans tout cela dans cette coulée humaine et là enfin être moi tout en ne demeurant que rien.