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Tombeau #4

Retouver quelque chose dans ce fatras n'est pas rien, c'est une tâche presque impossible mais qu'il faut faire parce que c'est sans doute seulement à ça que servent les mots et ceux qui les écrivent, parler des morts, les faire vivre encore, et tous les morts, et ceux dont personne ne parle plus encore plus que les autres afin qu'au moins quelque part quelqu'un se souvienne d'eux, laisse à leur place, essaye, la trace que peut-être ils n'ont pas laissée. Je fais ce que je peux. Je gratte cette terre noire, j'exhume des souvenirs, ce sont des petits tas de sable que l'eau des ruisseaux mangera mais j'essaie tout de même, cela en vaut la peine et cela au passage fait ressortir d'autres souvenirs, des visages des figures comme celui de cette vieille dame dont je viens d'apprendre qu'elle n'était plus et qui disait de moi que j'étais un enfant du soleil comme tous ceux né ce mois où je suis né, ce mois des premiers pas des premières fleurs, et si je parle de ça, c'est que je me suis souvenu, comme tu passais, que tu étais aussi un fils du soleil — je ne sais pas ce que tu aurais pensé de cette phrase, nous n'avons pas parlé ensemble depuis les bancs de l'école et sans doute que nous aurions parlé d'autres choses si nous avions parlé, si nous nous étions recroisés, ce qui n'est jamais arrivé, comme si dans un minuscule lieu quand même, des mondes différents s'étaient monté l'un à côté de l'autre où nous vivions chacun voisin de l'autre sans plus le voir, mondes parallèles et tant distants que depuis l'un on ne voyait plus l'autre, mais plus du tout.