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Lire #2

Il y a eu ce moment où j'ai cessé de lire et juste après tout a été différent, tout a été pareil — mon monde s'est effondré mais pas tellement plus que chaque jour, pas tellement plus, et j'ai vu alors qu'en fait, mon monde était depuis toujours cette chose à ras de terre posée et que je relevais comme je le pouvais tout le long du matin, tout le long de l'après-midi, et comme cela encore jusqu'au soir, tout le long des pages dont je parcourais les champs et les bois en essayant d'y comprendre quelque chose, d'y voir quelque chose, une trace, un signe, une discrète marque qui me conduirait à trouver comment faire tenir tout cela, la poussière de mon monde, son sable, enfin solide et droite et robuste face au vent que faisait la grande roue du temps, son mâchonnement incessant, ce broyement qu'on entendait, pour peu que l'on tende l'oreille, par-dessous le bruit sourd de nos paroles.