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Lire

Il y a eu ce moment où j'ai cessé de lire, ce moment où tous les mots me sont sortis des yeux, ont été de trop, n'ont plus été les compagnons que je connaissais de longue date, qui venaient avec moi partout où j'allais et étaient tout le temps et moi, et beaucoup plus que moi, et toujours plus que moi dans ce qu'ils portaient du monde et de moi dedans, il y a eu ce moment où les lignes, les sentiers qu'ils faisaient pour moi depuis des années ont perdu d'un seul coup tout sens, toute parole, où ces lignes sont devenues un fatras sans queue ni tête, un tas, une sorte de salmigondis ennuyeux dans lequel je ne distinguais plus rien et qui ne me donnait plus qu'une envie, celle de tout poser, de me lever, d'aller marcher dans une sorte de silence, dans cette sorte de silence où l'on vit quand on vit sans les mots.