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Nos pères

Nos pères qui fument dans leurs bureaux, ou bien dessus des chaises posées dehors, dans le jardin, sur les terrasses en plein été ; nos pères qui graissent des machines, des engrenages, des sortes de moteurs ; nos pères qui tiennent la charrue, et nous derrière à marcher à même sillon, à trébucher dans la terre de mottes ; nos pères marteau burin, et la force qu'ils ont, à défaire la pierre, que nous n'auront jamais, nous le sentons déjà, le constaterons plus tard ; nos pères qui scient du bois, et la fontaine que fait la scie, son ruban circulaire, d'une poussière blanche, sciure à fumer le jambon ; nos pères qui jouent aux cartes, et l'on est donc dimanche, à tout jamais, dans les reliefs du repas, le café qui semble n'en finir pas ; nos pères buvant dans de minuscules verres l'alcool blanc ; nos pères qui claquent de la langue ; nos pères qui nous montrent à siffler avec nos doigts ou bien un simple brin d'herbe verte  ; nos pères qui lisent le journal, et chaque ligne, chaque matin ; nos pères qui nous parlent de leurs pères, et même de leurs mères ; nos pères qui nous emmènent dans les cafés, mais nous paient un demi ; nos pères et leurs amis ; nos pères et notre carnet de notes ; nos pères aux mains énormes, sortes de grandes pattes ; nos pères assis derrière des fenêtres, à nous regarder arriver, puis repartir, puis revenir ; nos pères qui rient ; nos pères qui ne disent rien ;  nos pères qui parlent de guerres que l'on ne connaît pas mais plus souvent, qui n'en parlent pas ; nos pères que l'on embrasse ; nos pères au frais à l'ombre ; nos pères au téléphone, qui ne disent pas grand chose sinon que oui ça va ; nos pères couchés sur des lits d'hôpital, et puis dessus leurs lits, et puis dedans leurs bières. Nos pères qui meurent.